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Contribution de Paul Sindic

Paul Sindic                                                                                                           Octobre 2016

 

 

En finir avec le capitalisme ?

(note de synthèse sommaire pour AG PCF Montpellier du 26/10/2016)

 

 

La conjoncture politique difficile qu'affronte le PCF à l'occasion des prochaines élections (présidentielle et législatives), avec notamment le lourd bilan du quinquennat Hollande, doit, bien sûr, faire l'objet de propositions spécifiques de notre parti tant pour la présidentielle que pour les législatives, de recherche de positions communes progressistes offensives recueillant un maximum d'adhésion du monde du travail, des couches populaires. Mais, elles doivent, selon nous,  s'intégrer  également dans une problématique beaucoup plus large, celle de combattre aussi l'offensive planétaire du « capital mondialisé » qui vise notamment à priver de leur sens démocratique ces prochaines élections nationales (montée de l'abstention des couches populaires, des options fascisantes faisant le jeu du dit « capital mondialisé » et préparant les régimes autoritaires qui remplaceront, n'en doutons pas une seconde, les simulacres de démocratie actuels  (fausses alternances, gouvernements « d'union », etc.) si ceux-ci ne  fonctionnent plus.

 

1) Situation actuelle

Notons en premier lieu que les principaux pouvoirs économiques (industrie, services, finance) et politiques mondiaux et nationaux sont en train de passer en quasi-totalité entre les mains d'une très mince caste. Il est déjà tout à fait scandaleux que les 1% de la population planétaire les plus riches possèdent 50 % du patrimoine mondial (évaluation récente de celui-ci, environ 250.000 milliards d'US$, avec une prévision de forte augmentation d'ici 2020), tandis que les 80 % les plus pauvres n'en possèdent que 5 %. Mais, 1% de la population mondiale cela représente plus de 70 millions de personnes (il s'agit pratiquement des millionnaires en US$) et les véritables détenteurs de l'essentiel des pouvoirs planétaires sont évidemment bien moins nombreux.

Les derniers rapports Crédit Suisse/Oxfam ou Forbes sur les répartitions de richesse mondiales en 2015 montrent qu'il y a désormais environ 2.000 milliardaires en US$ dans le monde (chiffres variant selon les types de biens recensés et retenus, à approfondir). Un nombre en croissance rapide au cours des dernières décennies.

Ils sont concentrés en majorité dans les pays occidentaux les plus peuplés et les plus développés (USA, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, Suisse (havre fiscal très prisé), France…) et dans un nombre limité de grands pays émergents (notamment en Chine (où leur nombre s'accroît très rapidement, dépassant celui des USA, 596 contre 537 (1) et Russie). Si l'on excepte les fortunes des promoteurs immobiliers, en général à dominante nationale, les « clans »  que représentent, en général,  ces milliardaires sont à la tête de groupes multinationaux, industriels, de services ou financiers dont le poids économique intrinsèque dépasse celui de très nombreux pays. Ces clans et leurs supporters actifs, représentés, eux, par les « 1% », dominent désormais, non seulement l'économie mondiale au sens large (productions matérielles, services, finance), mais aussi en réalité la scène politique mondiale. Cette évolution, résumée par une formule choc de J. Stiglitz (2), « nous sommes en train de passer du système, un citoyen, une voix, à un système, un dollar, une voix » (formule très juste, et que nous devrions faire nôtre), s'est faite progressivement, sans événements politiques spectaculaires autres que la disparition de l'URSS, et nous y reviendrons.


2) Prospective

    Elle est manifestement marquée par l'obsession du « capital mondialisé » de poursuivre frénétiquement l'accumulation financière au profit des « 1% », sans admettre qu'aucun impératif humain, national ou planétaire, de quelque sorte que ce soit, même la sauvegarde de l'avenir de l'humanité, puisse l'entraver. « L'exécrable soif de l'or », (« auri sacra fames »), déjà dénoncée par le poète Virgile il y a plus de 2000 ans, paraît au contraire s'exacerber au point de justifier toutes les turpitudes et crimes de masse. Pour cela, tous les moyens sont déjà ou pourront être employés, y compris les guerres, les dictatures fascisantes, en bref une barbarie à l'échelle planétaire, déjà assez largement mise en œuvre. Erreur aussi de croire que parce que nous appartenons au peuple d'une nation se pensant toujours comme dominante, nous ne serons pas traités avec la même brutalité que les peuples des PED au début des années 80 (hausse brutale de leur dette et politiques « d'ajustement structurel » imposées, politiques catastrophiques, dont un grand nombre de ces pays ne se sont toujours pas relevés. Un seul chiffre à ce propos : 800 millions d'êtres humains souffrent actuellement de la faim. Voir aussi l'exemple récent et scandaleux du traitement de choc infligé au peuple grec par l'UE et le FMI.

 C'est donc l'un des pires régimes que l'humanité puisse connaître, régnant sans partage sur celle-ci, qui se prépare, soyons en conscients. Le risque à relativement court terme est d'autant plus élevé que l'humanité affronte déjà ou va devoir affronter rapidement des problèmes majeurs, susceptibles d'affecter gravement son devenir, dont certains découlent en fait largement de la gestion capitaliste de la planète. Citons les principaux, nécessitant à brève échéance, des réorientations majeures :

 

- La maîtrise du réchauffement climatique

  La reconnaissance internationale au début des années 90 de la gravité du processus de réchauffement climatique planétaire, lié à l'explosion de l'utilisation des énergies fossiles carbonées (charbon, pétrole, gaz) dans les pays développés, avait conduit à la signature du protocole de Kyoto en 1997. La faiblesse des engagements de réduction des émissions de CO2 contenus dans celui-ci, leur caractère non contraignant, portent déjà la marque des exigences du capitalisme néolibéral, auquel se sont ralliées, entre temps, la Chine et la Russie. Même si la récente COP21 a été marquée par une forte hausse des exigences, scientifiquement fondées, du GIEC afin d'essayer d'éviter une catastrophe planétaire (diminuer fortement au cours des 20 prochaines années le recours aux énergies fossiles carbonées dans les pays développés et émergents, remplacées par un recours à une électricité décarbonée (excluant de fait les énergies renouvelables carbonées), en allant jusqu'à leur quasi disparition en 2050).

Même si nous ne pouvons développer ici plus avant les explications, nous ne sommes pas du tout sur le chemin de la mise en œuvre de ces recommandations du GIEC. Pour ne prendre qu'un exemple, le Congrès des USA n'a ratifié jusqu'ici aucun des engagement pris par les Présidents US successifs. Le dernier signé par Obama en 2015 ne correspond en fait qu'à l'engagement initial minimal pris par les USA en 1997 (- 6% par rapport au niveau de 1990) et non rempli depuis, alors même que les USA émettent trois fois plus de t.équiv. CO2/hab que notre pays (16 t contre 5t). Les dernières études scientifiques publiées laissent prévoir une aggravation et une occurrence beaucoup plus rapprochée d'événements climatiques exceptionnels (ouragans et vagues d'une ampleur exceptionnelle, submersion de vastes zones côtières et de grandes métropoles qui y sont situées (ex. Miami, New York, etc. ), alternance de pluies et de sécheresses exceptionnelles, avec l'apparition de dizaines de millions de réfugiés climatiques et de tous les risques démultipliés d'affrontements, de traitements barbares, dont la période actuelle nous donne déjà nombre d'exemples ; Irresponsabilité également de l'absence de toute action internationale favorisant le  contrôle d'une évolution démographique qui nous conduit dans ce domaine de la maîtrise du climat à une impasse dramatique (2 milliards d'habitants supplémentaires dès 2050), alors que divers exemples dans les PED montrent que cela est tout à fait possible.

 

- La révolution numérique et la robotisation

  Celles-ci ont de nombreuses chances de déferler dans les 10 ans à venir. Beaucoup d'envolées lyriques, y compris au sein du PCF, décrivent leur essor potentiel (souplesse des productions, fin de tâches peu gratifiantes d'assemblage, de nettoyage, possibilités nouvelles d'activités indépendantes dans le cadre de l'économie sociale et solidaire). Mais il n'y a aucune chance que de telles évolutions se produisent de manière significative tant que prévaudra la logique du capital néolibéral mondialisé. Le président de Foxconn, milliardaire taiwanais, fâcheusement renommé pour la violence de la surexploitation dans ses usines en Chine (nombreux suicides),  employant dans ce pays 1,5 million de salariés pour des tâches d'assemblage de produits électroniques (pour le compte de nombre de grandes firmes étrangères américaines, japonaises, coréennes, etc.), déclarait récemment vouloir remplacer un million de ses salariés en Chine par un million de robots. Interrogé sur le sort des salariés ainsi licenciés, il répondait cyniquement : « ce sont des « migrants », ils n'ont qu'à retourner dans leur région d'origine ». Le régime chinois a en effet réussi à créer des « migrants » surexploités, avec ses propres habitants des provinces rurales occidentales, qui survivent difficilement sur des exploitations rurales d'1 ha en moyenne.

Nous ne devons conserver là aussi aucune illusion. Si la logique capitaliste néolibérale continue à dominer, une fraction très significative de la main d'œuvre de nos pays (ouvriers non ou peu qualifiés, employés de services (femmes de ménage, serveurs de restaurant, etc.) seront privés durablement d'emploi. On évoque le chiffre de 30 % de la main d'œuvre globale. C'est une autre raison très forte de se débarrasser dès que possible de cette logique du capitalisme néolibéral.

 

- Les dangers de guerre liés aux conflits d'accaparement de l'accumulation capitaliste mondiale et à l'exaltation des idéologies nationalistes qui les accompagnent.

La volonté hégémonique de la mince caste mondiale qui détourne à son profit les richesses créées par le monde du travail planétaire génére en son propre sein des conflits d'accaparement des richesses créées ou de domination politique de divers pays ou régions du monde, conduisant à des litiges nationaux (affrontements entres clans politiques, ethniques ou religieux) ou internationaux, pouvant déboucher sur des affrontements armés d'envergure. Après la deuxième guerre mondiale, la communauté internationale s'était, avec la création du système des Nations Unies, dotée d'un système destiné à éviter désormais ces dérives guerrières, d'autant plus dangereuses, qu'elles pouvaient, avec l'apparition des armes nucléaires, déboucher sur une apocalypse planétaire. Ce système a plus ou moins fonctionné, n'a pas empêché de nombreuses guerres depuis 1945, mais a permis d'en terminer ou d'en éviter certaines.

Or, la caractéristique de la dernière période est, de la part des principales fractions nationales du « capital mondialisé », en particulier occidentales, la mise à l'écart de l'ONU et le déclenchement unilatéral d'actions militaires internationales. C'est le cas en particulier au Moyen-Orient actuellement, tandis que la violation permanente de la légalité internationale par Israël à l'égard de la Palestine se poursuit impunément.

Si Obama a pu, rarement, contribuer à une baisse de certaines tensions (normalisation des relations avec l'Iran faisant l'objet d'un certain consensus au sein du « capitalisme mondialisé » - accord avec la Chine et la Russie sur cette normalisation), de nombreux observateurs craignent une aggravation dangereuse des tensions avec l'arrivée de H. Clinton, considérée comme un « faucon », liée au complexe militaro-industriel US qui pousse à l'aggravation des tensions avec la Russie. H. Clinton a d'ailleurs promu, contre l'avis d'Obama,  l'agression directe contre la Libye avec assassinat de M. Khadafi, en accord avec un N. Sarkozy particulièrement intéressé à cette opération.

- Le risque d'une crise financière mondiale majeure

   La monstrueuse accumulation financière actuelle est un véritable château de cartes, car elle repose de moins en moins sur des créations de richesses réelles liées à des investissements productifs, mais de plus en plus, non seulement sur les politiques d'austérité infligées au monde du travail dans de très nombreux pays, mais aussi sur des spéculations financières seules capables, artificiellement, d'atteindre les niveaux de rentabilité élevés exigés par les 1%. Les journaux financiers actuels, notamment outre-Atlantique, contiennent de nombreux articles prévoyant l'éclatement prochain d'une bulle mondiale de grande ampleur par effondrement du dollar US et conseillent, périodiquement,  d'acheter de l'or. C'est évidemment le monde du travail qui sera invité alors à régler la facture, beaucoup plus salée qu'en 2008.

- Le « capital mondialisé » comme structure politique planétaire nouvelle

   Au cours des développements qui précédent, nous avons fréquemment utilisé le terme « capital mondialisé » sans l'avoir réellement défini. C'est en fait un terme qui a été employé pour la première fois par divers intellectuels progressistes, spécialistes des problèmes économiques, politiques, internationaux comme Samir Amin où Jean Ziegler, depuis quelques années.

Nous avons déjà caractérisé cette structure originale de pouvoir par une sociologie mondiale de la richesse, par l'énoncé des diverses castes des principaux pays qui la constituent. Il est temps d'aller plus loin. La structure de pouvoir est le G20, organisme de concertation définissant des grandes orientations, plutôt que des décisions obligatoires. En fait, au sein du G20, les différents pays ont des statuts différents. Cet organisme ne peut pas dicter des orientations ou des décisions à la Russie, à la Chine, ou même aux BRICS. Mais au sein des membres « occidentaux » du G20, les injonctions des USA sont en fait des ordres qu'exécutent docilement les gouvernements concernés, mais qui peuvent se heurter à des résistances populaires (cf. traités régionaux de libre-échange).

Autres organismes de pouvoir, à la botte du « capital mondialisé » occidental, les instances non élues créées au sein de l'UE par ses promoteurs initiaux : BCE, Commission européenne, qui dictent littéralement aux gouvernements (la plupart du temps consentants) des pays membres, leurs choix politiques, les politiques d'austérité, etc.

Ajoutons-y, pour faire bon poids, la constitution de gigantesques appareils de lobbying, existant dans de nombreux pays, mais particulièrement structurés notamment au sein de l'UE, auprès de la Commission européenne (plusieurs milliers de représentants des grands intérêts financiers et/ou industriels à Bruxelles) et aux USA (auprès du Congrès). Dans ce dernier pays, le poids des lobbies charbonniers, pétroliers et gaziers, a jusqu'ici quasiment bloqué toute évolution significative de la politique énergétique américaine.

Nous terminerons par une fraction essentielle de ce gigantesque appareil de pouvoir, de fait hors de tout contrôle démocratique, les « milliardaires ». Ils jouent au sein du « capital mondialisé » un rôle spécifique décisif, tantôt opérationnel, tantôt idéologique. Rôle opérationnel, le rachat par les milliardaires français des principaux médias (TV et principaux journaux) de notre pays avec une forte censure des idées progressistes et notamment de l'activité et propositions du PCF. Rôle idéologique et politique : ex. Au sein des principaux milliardaires américains, il y a une  revendication ouverte, réaffirmée il y a peu par leur doyen, Rockefeller, d'un pouvoir planétaire pour « le capital mondialisé » avec l'argumentation suivante : « les gouvernements nationaux ne maîtrisent plus les affaires du monde et sont désormais incapables de les gérer. Seul « le grand business » a désormais cette capacité et les pouvoirs nécessaires devraient lui être transférés ».

Ajoutons enfin que le « capital mondialisé » a créé une catégorie spécifique de multimillionnaires, voire de milliardaires, les dirigeants de nombre de PED, copieusement arrosés par les multinationales qui ont envahi l'espace économique de leurs pays, et qui sont ainsi devenus eux-mêmes des membres de fait du « capital mondialisé ». L'un des exemples les plus frappants est celui du Président de l'Angola, Dos Santos, au pouvoir depuis des décennies, à la tête d'une fortune personnelle généralement évaluée à 30 milliards d'US$. Est ainsi bouclé un contrôle totalitaire du monde par le « capital mondialisé », soit un immense danger pour l'avenir de l'humanité et un impératif politique majeur et urgent pour les forces progressistes mondiales, se débarrasser du « capitalisme néolibéral » dès que possible.

Les réticences face à la caractérisation de la dernière version du « capitalisme mondialisé » comme un ensemble complexe où contradictions et cohérence cohabitent, mais avec des points dominants de consensus.

 Ces réticences à propos des points de similarité Chine-USA par exemple, existent dans notre pays, au sein de la gauche progressiste et même au sein du PCF. Elles sont encore plus fortes chez les forces progressistes des PED. La Chine se présente en effet comme « le grand frère des PED », prisée par les pires régimes, car elle ne s'immisce pas dans les affaires intérieures des PED.

En fait, les points de similarité sont structurels. Explosion des inégalités en Chine depuis le virage néolibéral de Deng Tsiao Ping à la fin des années 70 (premier rang mondial avec le Brésil pour les inégalités). Aux USA, en ce moment 1% de la population possède 37% du patrimoine national ; En Chine, les mêmes 1% en possèdent 33% ( 3 ). Comme les USA et les autres pays occidentaux, elle fonde son expansion économique internationale sur le libre échange commercial. Au moment où le capital mondialisé des pays occidentaux, sous l'impulsion des USA, s'efforce de faire signer les traités de libre échange transpacifique et transatlantique, la Chine fait des efforts parallèles pour la signature d'un traité de libre-échange entre les BRICS (plus de 3 milliards d'habitants). Les différences, plus apparentes que réelles, sont que la Chine prétend bâtir « un socialisme de marché » sous la houlette d'une énorme caste dirigeante bureaucratique au sein d'un PCC qui compte 86 millions de membres, affectée par une corruption endémique incluant nombre de cadres dirigeants, y compris au plus haut niveau,  qui continue à s'appeler Parti communiste chinois.

Autre point commun des pays les plus puissants du « capitalisme mondialisé », des idéologies nationalistes fortes, notamment aux USA, en Chine et en Russie. Les USA restent le pays le plus puissant du monde, économiquement et militairement, et entendent le rester. La Chine entend, après une longue descente aux enfers, le redevenir, au moins politiquement et économiquement, sans tomber dans le piège de la parité militaire. La Russie actuelle, affaiblie, cultive la nostalgie de l'URSS.
A l'évidence, les tensions nationalistes basées sur des nostalgies ou des volontés de puissance, entre des pays dotés de la puissance nucléaire, sont dangereuses et peuvent dégénérer. Elles devraient normalement être plus fortes entre les pays en compétition pour devenir ou rester la première puissance mondiale, soit la Chine et les USA. Mais entre ces deux pays, elles sont actuellement en réalité relativement maîtrisées, du fait d'une certaine interpénétration des intérêts économiques. Ex. accord politique préalable sur les propositions respectives Chine-USA à la COP 21, financement conjoint d'un grand centre de recherche technologique sur de nouveaux réacteurs nucléaires situé en Chine. L'agressivité occidentale vis à vis d'une Russie qui, avec Poutine, refuse de se ranger sous la houlette occidentale, est beaucoup plus forte et comporte des risques de voir les tensions dégénérer en conflits ouverts, ce qui entre puissances nucléaires, reste très préoccupant.

Pour ce qui concerne l'évolution chinoise, notons au passage que le virage chinois a été effectué avec beaucoup d' habileté politique : maintien de l'étiquette communiste du parti au pouvoir, but officiel : construire « un socialisme de marché », communauté de vue avec la fraction asiatique du « capitalisme mondialisé » (Japon, Corée du Sud, Taïwan, Hong Kong) sur la nécessité de mettre de côté les préoccupations de rentabilité élevée immédiate quand il s'agit d'investissements stratégiques. Exigence assumée dans ces derniers pays par les grands conglomérats industriels privés eux-mêmes.

La nécessaire négociation sur les conditions très attractives offertes aux grands intérêts du capital mondialisé occidental pour les décider à investir en Chine s'est effectuée, elle aussi, très habilement par une première négociation tout à fait discrète avec les milliardaires de la diaspora chinoise. Ceux-ci ont crédibilisé l'offre d'investir en Chine du gouvernement chinois, y compris en transférant leur fortune en Chine. Ils se sont ensuite faits les avocats de tels investissements en Chine auprès des grands intérêts industriels occidentaux. Si l'on ajoute le maintien d'une planification touchant à toutes les grandes branches d'activité, la volonté de développer au maximum la recherche dans lesdites branches, il est clair (et les USA le savent) que la Chine va devenir assez rapidement la première puissance économique mondiale, ce qui ne peut que conduire à une sérieuse aggravation des tensions sino-américaines.

 En tout cas, pour ce qui est des incidences sur les travailleurs du monde entier, l'obsession dominante de tous les « 1% » des principaux pays du « capital mondialisé » reste une accumulation capitaliste frénétique, effectuée directement à leurs dépens. Il n'y a donc pas lieu de trier entre les « 1% » de tous ces pays, mais de créer le rapport de forces politique pour, dans un premier temps, prélever directement, sur leurs fortunes monstrueuses, les montants nécessaires pour réaliser sans attendre les investissements nécessaires pour assurer la survie de l'humanité. (ex. avec une taxation de 0,5 % sur les fortunes des 1%, qui ne les feraient même pas diminuer, car elles augmentent de 3 à 4 %/an, on dégagerait 600 milliards de US/$/an qui permettraient largement aux PED de réaliser leurs engagements en matière de développement énergétique et de maîtrise du réchauffement climatique, investissements de surcroît économiquement très positifs). Cela devrait nous conduire à combattre toute idée d'une taxe carbone, frappant le monde du travail.

- L'évolution des analyses et des positionnements du PCF sur ces questions au cours des 40 dernières années

Au cours de la décennie 80, (en faisant appel à des souvenirs personnels qu'il faudrait évidemment vérifier), le PCF est aux prises avec deux événements majeurs :

 Au début de cette décennie, la première grande offensive mondiale du capitalisme néolibéral est constituée par la hausse brutale des taux d'intérêt de la dette des PED, l'imposition aux dits pays des politiques dites « d'ajustement structurel » avec les conséquences dramatiques soulignées plus haut. Le PCF réagit positivement en participant à la lutte contre la dette, aux côtés des associations qui se créent à cet effet et dont certaines continuent aujourd'hui cette lutte (notamment le CADTM).

Cependant, il me semble que nous n'avons pas pris à l'époque la véritable mesure de ce que signifiait la brutalité de cette offensive et du fait que la logique même de celle-ci ferait que ce serait ensuite le monde du travail des pays développés comme le nôtre qui serait touché, du fait même des exigences d'une accumulation capitaliste frénétique, avec de violentes politiques d'austérité et de destruction des acquis sociaux. Une des explications de cette carence est, à mon sens, qu'à l'époque, nous étions déjà aux prises, après la victoire de 1981, avec la duplicité de F. Mitterrand et son virage vers une adhésion aux injonctions néolibérales d'austérité et de recul des acquis sociaux. Positions ultra-révolutionnaires avant 81 dans le but (reconnu publiquement cyniquement ensuite) de prendre des millions de voix au PCF et virage à 180° ensuite. Le prestige historique de cette stratégie dans la social-démocratie française a conduit Hollande à la mise sur pied d'une pâle copie en 2012, avec les péripéties que l'on sait. Il est aussi assez surprenant à cet égard que J.L Mélenchon ait défendu récemment (anniversaire de la mort de F. Mitterrand) la bonne foi de celui-ci dans cette affaire et cela doit évidemment nous faire réfléchir. Interrogations aussi sur la référence ambiguë de A. Montebourg à F. Mitterrand dans sa récente proposition d'union avec le PCF (celui de la signature du Programme commun ou celui du virage néolibéral qui a suivi)

 Par ailleurs, à la fin des années 80 - début des années 90, le PCF, et avec lui, tout le mouvement communiste et progressiste mondial doit faire face à la disparition de l'URSS, qui consacre, après le virage chinois de la fin des années 70 (voir ci-dessus),  la quasi-hégémonie mondiale capitaliste.

A ce moment, le PCF avait, en principe, le choix entre deux options :

a) Avec d'autres formations communistes ou progressistes, faire le choix de poursuivre sans attendre le combat pour se débarrasser du capitalisme, sans baisser la barre, mais sur les bases d'un « socialisme » ou d'un « communisme » démocratique, aux étapes franchies grâce à des votes majoritaires. Avec le programme commun, le PCF avait franchi des étapes pour poursuivre dans cette voie, avec un modèle de transformation complétement différent du modèle soviétique. Le PCI avait aussi progressé dans cette voie. On parlait « d'eurocommunisme ». Mais le choc de 1990 est tel, notamment chez les cadres du parti, qu'il y a un repli. Du même coup, le but ultime, dépasser le capitalisme, n'est pas abandonné, mais de fait il est renvoyé à un avenir plus lointain.

b) L'option prise alors, par défaut, est celle d'un repli sur un réformisme de gauche, pratiqué notamment dans les diverses collectivités territoriales, dont l'application, même partielle, du programme commun montrait qu'il pouvait marquer des points. Il était basé politiquement sur l'Union de la gauche avec un parti socialiste non encore complètement soumis aux oukases du « capital mondialisé ». Avec l'achèvement du virage de ce parti vers le capitalisme néolibéral , sous la houlette de F. Hollande, les difficultés du PCF se sont accrues ainsi qu' un certain désarroi de ses adhérents.

Après l'enthousiasme initial lié à la création du Front de gauche, les difficultés internes progressives de celui-ci ont douché cet enthousiasme. La « France insoumise », créée unilatéralement par J.L Mélenchon, la volonté de celui-ci de faire cavalier seul, contribuent à la confusion. Cependant, la toute récente proposition d'A. Montebourg d'union avec le PCF pourrait redistribuer les cartes, nous allons y revenir.

Que faire désormais ?

Après les efforts d'analyse faits tant en ce qui concerne la situation politique de notre pays qu' à propos de la menace directe aggravée que représente désormais la minuscule caste mondiale du « capital mondialisé » pour le monde du travail, les forces politiques progressistes et les peuples, non seulement de notre pays, mais en fait de l'ensemble de la planète, il nous semble que nous n'avons désormais plus qu'un seul choix possible : engager sans tarder les premières étapes d'un combat frontal contre cette forme d'organisation politique afin de la remplacer dès que possible par un « socialisme démocratique », donnant pour la première fois un pouvoir réel aux peuples eux-mêmes et à leurs citoyens individuellement. Si nous ne voulons pas voir l'humanité sombrer dans la barbarie, il y a urgence.

Pour entamer cette bataille, cinq orientations nous paraissent à privilégier :

 a) Revoir notre programme pour insérer là où ce sera nécessaire les dimensions internationales que le rapport de forces dans le combat contre le « capital mondialisé » exige, avec la finalité que ces révisions s'insérent clairement dans une perspective globale de se débarrasser à terme relativement proche (10 ans) du capitalisme ;

b)  Décider de notre participation à des combats politiques spécifiquements internationaux et des positions que nous aurons y prendre.  Ex Restauration du rôle de l'ONU  pour bannir la guerre comme mode de règlement  des conflits internationaux – Rétablissement de la souveraineté de l' Assemblée générale de l'ONU (AG) et retour du Conseil de sécurité à un rôle d'exécution des décisions de l'AG des Nations unies (fin de son rôle d'exécutant des décisions du « capital mondialisé ») ; nouveau rôle fiscal international de l'AG de l'ONU (paradis fiscaux et prélévements sur les fortunes des 1%), etc.

c) Commencer, sans attendre, à rendre publique notre intention  de nous engager dans cette voie ; après un premier effort, interne, pour formuler de manière un peu plus détaillée ces nouvelles orientations, les rendre publiques et engager des concertations plus larges avec les autres formations progressistes nationales (y compris avec les frondeurs du PS en soulignant leur propre intérêt à s'engager dans une bataille pour un socialisme démocratique, au besoin étape par étape), avec des personnalités internationales ayant travaillé sur ces questions, avec d'autres forces progressistes internationales ; contacts  aussi avec les « sandéristes » et les « corbynistes » et tous mouvements progressistes internationaux. En effet, toute reconnaissance, même partielle, d'une similarité de combat avec eux aurait un fort impact international et national. Envisager de créer une revue internationale progressiste sur internet, multilingue, permettant à tous les progressistes d'être informés et de participer à ces débats fondamentaux.

d) Engager, dès que possible, le parti dans une bataille de masse pour populariser ces propositions tant auprès du monde du travail que des couches populaires, ce qui implique un effort spécifique pour les rendre aisément compréhensibles ;

e)  Lorsqu'il sera devenu patent, pour l'opinion publique, que le PCF formule de nouvelles propositions, plus ambitieuses et plus radicales, pour l'avenir de notre pays, avec la garantie de n'avancer que démocratiquement, sur la base de propositions recueillant une approbation majoritaire, mais que leur contenu fait actuellement l'objet d'une censure dans les principaux medias, désignation d'un candidat communiste ayant pour mission essentielle de les faire connaître. Le dit candidat se déclarerait d'ores et dejà prêt à respecter une règle de désistement réciproque, en faveur du candidat progressiste le mieux placé. (voir ci-après). 

La proposition très récente (29/10/2016) d'A. Montebourg « d'union » avec le PCF pour mener en commun les prochaines batailles électorales

Que nous le voulions ou non, cette proposition rebat les cartes politiques dans notre pays,  replaçant le PCF au cœur de la bataille politique (nous ne dirons pas « au centre », car cela pourrait être mal interprété).

Un premier écueil à éviter absolument, nous précipiter pour négocier un compromis avec A. Montebourg, même si nous faisons connaître notre intérêt.

Par contre, cela rend absolument urgent le lancement sans tarder d'une bataille publique d'envergure, notamment envers le monde du travail et les couches populaires pour faire connaître nos propositions de programme, améliorées dans le sens des paragraphes qui précédent, mêlant propositions d'améliorations immédiates (SMIC, services publics, emploi, etc.) avec l' internationalisation, une approche à la fois nationale et internationale de certains problèmes. Commencer à infliger des reculs à la logique mortifère du « capital mondialisé ». Afficher clairement la nécessité de sortir d'un capitalisme, en bout de course, en fait non amendable, en progressant vers un socialisme démocratique, par des votes majoritaires, ce qui inclut des alliances avec les diverses sensiblités, y compris réformistes, d'une gauche progressiste ayant rejeté les orientations social-libérales. Viser en particulier à créer des avancées irréversibles vers un rôle accru des citoyens dans l'entreprise et dans la cité. Discuter de nos propositions avec toutes les sensibilités de la gauche progressiste (y compris J. L. Mélenchon), avec d'autres organisations progressistes au
sein de l'UE. Etudier la possibilité de contacts avec les organisations syndicales sur les propositions concernant l'entreprise, avec les agriculteurs sur nos propositions de régulation des échanges, etc..

Quand nous considérerons que l'opinion publique française est informée au moins de l'existence de ces avancées dans les propositions communistes, désignation d'un candidat communiste pour mieux les porter à la connaissance de tous, tout en confirmant l'engagement d'un retrait réciproque envers le candidat progressiste le mieux placé.

Afin de donner un peu de chair aux développements abstraits qui prècédent, nous donnerons brièvement quelques exemples concrets des modifications ou réorientations possibles et nécessaires :

- Luttes actuelles contre les traités de libre échange

Celles-ci portent généralement sur le rejet de l'importation de divers produits, du fait de la nocivité de certains de leurs composants, ou de procédures (tribunaux arbitraux privés supranationaux via lesquels les multinationales pourraient s'opposer à certaines orientations nationales - ex services publics dans certains secteurs, en réclamant des indemnisations). Mais en fait, la nocivité du libre échange est beaucoup plus globale. C'est un des principaux outils de domination impérialiste du « capital mondialisé », rejeté largement par nombre de PED dont il a détruit les embryons d'industries nationales et qui a déjà porté de sérieux coups à la nôtre par absence de politiques industrielles françaises cohérentes. D'où nos propositions déjà anciennes sur l'instauration d'une « régulation mondiale des échanges », garantissant notamment à chaque pays (PED ou pays développé) la réservation d'une part significative de son marché national à des productions « nationales » (ç. à d. comportant 80 % de valeur ajoutée d'origine nationale), l'octroi de quotas d'accès libres, mais limités aux PED sur les marchés des pays développés, le reste des marchés nationaux demeurant un espace de libre concurrence. Possibilité d'étendre un tel système à des zones économiques régionales (ZER), types UE ou ZER africaines, afin d'élargir la gamme des industrialisations possibles.

- Appropriation sociale des entreprises ou groupes d'une certaine taille (plus de 1.000 salariés ? ) et nouveau rôle des salariés dans l'élaboration de leurs stratégies

Nous ne pouvons ici détailler ces orientations contenues dans une contribution personnelle à la Convention sur l'Industrie du PCF. Mentionnons simplement que tous les groupes (de plus de 1,000 salariés?) industriels, de services, commerciaux ou financiers seraient concernés, (y compris les services publics selon des modalités spécifiques que nous n'évoquerons pas ici).

- Octroi de 40 % des droits de vote aux salariés dans les organes de décison de ces groupes (Conseils d'administration) par élection d'administrateurs salariés (a priori selon les modalités des lois Auroux).

-  Ouverture d'un processus de dialogue par branche industrielle ou de services entre un nouveau Commissariat au Plan démocratisé (ajout de la présence de représentants (et/ou de spécialistes syndicaux) des salariés de la branche, de chercheurs) chargé d'élaborer un premier projet de développement de la branche (activités et emplois), discuté ensuite dans toutes les entreprises de la branche avec possiblités de réunion de tout le personnel, de désignation de commissions composées de membres de toutes les catégories de personnel chargés d'élaborer des avis,  des propositions complémentaires, des contre-propositions. Propositions également des directions au sein des entreprises. Synthèse nationale par ce nouveau commissariat au plan de tous ces éléments et soumission au vote des salariés de cette synthèse, devenant prévaloir (vote de l'Assemblée nationale?) comme stratégie nationale de la branche.

- Tout ceci s'inscrivant dans la relance d'une grande politique industrielle, appuyée également 

   sur un fort développement de la recherche publique, (avec revalorisation du statut des chercheurs),   

- Autre amélioration, celle du sort de tous les êtres humains forcés de quitter leur pays (misère, guerres).

 S'il importe en premier de les traiter humainement, en respectant tous leurs droits, il importe beaucoup plus fondamentalement d'éliminer les causes de leurs départs forcés (mettre fin aux processus de guerre, reprise d'une aide substantielle et d'une coopération de la communauté internationale pour aider les PED à entamer ou amplifier des processus de développement économique diversifiés, à se doter de services publics (santé, éducation, etc.), des infrastructures nécessaires (production et réseaux de distribution d'énergies de préférence non carbonées, transports, etc).  Voir  nos propositions de création de « Contrats  de développement »  entre les PED demandeurs d'une aide et une institution adhoc de l'ONU, regroupant toutes  les organisations spécialisées des Nations Unies concernées (UNESCO, ONUDI, FAO, PNUD, Banque mondiale) pour aider à la réalisation de plans de développement à 10 ans des dits pays.)

 

Notes :

(1)Selon un article du journal « Les Echos » du 15/10/2015

(2) J. Stiglitz, ancien économiste en chef de la Banque Mondiale, démissionnaire en 2000 pour désaccord sur les politiques d'ajustement structurel et le pillage des PED, prix Nobel d'économie, dans une interview au journal « l'Humanité » du 12/09/2012.

(3) Article du Quotidien du peuple du 14/ 01/2016

 

 

               

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Contribution de Paul Sindic

le 30 octobre 2016

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