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Contribution de Robert Kissous

La tentation souverainiste

 

Comment comprendre la décision de JL Mélenchon de présenter sa candidature en opposition à l’avis de ses partenaires du Front de Gauche ? Le désaccord sur la tactique électorale dans les élections territoriales a été souvent invoqué.

Elections = compromissions ?

JL Mélenchon a dénoncé l’existence de listes incluant parfois le PS et/ou EELV, à géométrie variable d’ailleurs, dans les élections territoriales, sa critique visant nettement, régulièrement et explicitement le PCF. Certes il y eut une bataille dans tous les partis du Front de Gauche sur la possibilité de compromis ou pas dans la présentation ou le maintien de candidats au second tour de ces élections.

Des compromissions il y a pu y en avoir y compris de la part du PG qui, par exemple, a fait liste commune avec EELV à Grenoble sans que cela provoque les foudres de JLM. Au contraire il s’en est félicité et l’a donné en exemple alors que EELV était au gouvernement à l’époque. Du moment que cette tactique isolait le PCF cela convenait. Aujourd’hui la municipalité de Grenoble (EELV/PG) supprime une centaine de postes dans les services publics. Après avoir fait l’éloge de cette alliance, JLM est bien silencieux.

A Montpellier aux municipales, une liste FdG avait obtenu un score permettant une fusion de listes avec indépendance clairement annoncée et acceptée. Puis la décision du PG, qui détenait la tête de liste, refusait cette fusion technique sans même en parler à ses partenaires de liste[1]. S’abstraire de la réalité au nom d’une pureté idéologique ? Mais alors comment comprendre qu’un cadre important du PG soit devenu, tout de suite après, membre de l’exécutif de Montpellier Métropole ? Elimination de ses partenaires dans une volonté hégémonique ?

Ce n’est pas le seul cas. Parmi les plus proches amis de JLM d’autres ont été élus sur des listes incluant le PS notamment au conseil régional Ile de France. Sans compter que c’est grâce au PCF que JLM a été élu député européen.

Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Tout cela laisse penser à un règlement de comptes pour avoir l’hégémonie sur « la gauche de la gauche » en jouant le débordement sur la gauche. Vieille tactique trotskiste pour plagier ce qu’a dit JLM à Pierre Laurent. Ca n’est ni sérieux ni constructif.

Avoir des élus est utile, nécessaire, pour mener le combat des idées et pour répondre aux besoins de la population[2], dans les limites d’un rapport de forces à un moment donné. La lutte de classe se mène aussi au sein et avec des institutions de l’Etat même si on sait qu’on n’en changera pas la nature. Cela fait partie de nos moyens d’influencer et de combattre l’hégémonie de la classe dominante. Pourtant à lire certains déclarations de JLM ou de ses amis on a l’impression que les candidats vont à la soupe pour leurs intérêts personnels. Ca existe sûrement mais en faire une généralité revient à alimenter le « tous pourris ».

Comme l’indique Michel Stefani, conseiller à l'Assemblée de Corse PCF, dans un article dont je recommande la lecture : « Les dirigeants du PG considèrent, c’est leur droit, que la présence des élus communistes dans les régions et les villes n’est pas une bonne chose et ils confondent l’impératif de pouvoir mener le combat de classe dans les institutions avec ce combat lui-même. »[3]

Rassemblement ou pas ?

Le PCF a proposé de travailler à un rassemblement large (FdG, EELV, frondeurs…) pour ne pas prendre le risque d’un second tour droite / FN. Avec bien sûr un travail collectif sur le programme sur la base d’un vaste travail de mobilisation populaire. Ensemble et d’autres encore souhaitaient un front large.

Au Conseil national des 16-17 janvier Pierre Laurent déclarait « Pour déverrouiller le débat, la question n'est pas donc seulement de construire une candidature à gauche de Hollande, mais de poser une question à toute la gauche : Quelle candidature de gauche en 2017 pour une alternative à l'austérité, pour un projet solidaire, pour battre la droite et l’extrême droite ? C'est pourquoi j'ai déclaré qu'il était nécessaire de construire par un processus populaire et collectif, une candidature de gauche sur un projet de gauche avec des valeurs de gauche autrement dit pas Hollande, Valls, ou un clone de cette politique »[4]. Voilà ce qui était proposé et ce avant même que la candidature de JLM soit déclarée le 10 février.

Mais JLM n’en veut pas du rassemblement. Comme il l’a indiqué dans une interview à l’Huma du 20 septembre « le rassemblement de la « gauche » empêcherait le peuple de se fédérer. Autrement dit il faut se situer hors d’un clivage gauche/droite, au-dessus des partis. C’est l’image gaullienne de l’homme au-dessus des partis au service de la nation qui revient. Amusant de voir qu’il parle ensuite de son départ après l’Assemblée constituante…

Nous ne saurons jamais si ce rassemblement aurait été réalisable puisque JLM a bloqué très tôt toute possibilité de candidature commune. Sur le plan programmatique aussi il a voulu tout maîtriser seul. Il a sans cesse cherché à brouiller les cartes en prétendant que le PCF voulait l’inclure dans une primaire avec Hollande ce qui s’est révélé faux.

Sauf miracle – pour celles et ceux qui y croient – le départ en solo de JLM ne permettra pas sa présence au second tour. Alors quel en est l’objectif ?

Un projet d’ensemble dont la campagne présidentielle n’est qu’une étape

Il y a bien sûr la volonté affirmée de s’imposer dans le paysage, de se rendre incontournable. Et de refuser toute possibilité d’alliance ou de front commun pour avoir les mains entièrement libres, ne pas avoir à faire des compromis ou à discuter du programme. Car malgré ce qui a été dit, à savoir que le programme serait la reprise de celui de l’Humain d’abord avec une mise à jour évidemment, les slogans les plus percutants de la campagne actuelle en sont bien loin.

Passons sur l’absence de la référence fondamentale au capitalisme dans les textes de lancement de sa campagne – projet, démarche - sur le site jlm2017. On n’a pas le fétichisme des mots mais pourquoi ne pas appeler un chat un chat ?

Passons aussi sur l’absence totale d’indications, dans ces mêmes textes, sur le rôle du Front de Gauche dans la présidentielle de 2012. JL Mélenchon l’ignore superbement et s’attribue les 11% obtenus à cette élection.

Il faut effacer tout cela, faire table rase. JL Mélenchon définit le programme pour 2017 sans ses ex-alliés d’autant qu’ils risquaient de s’opposer sur nombre de questions. Rien, nulle organisation doit s’interposer entre JLM et le peuple auquel il s’adresse directement, ni gauche ni droite.

Mais ce n’est pas tout. La vie ne s’arrête pas à la présidentielle. Il escompte d’arriver aux législatives en rapport de force pour imposer ses conditions et avoir - à l’aide des ressources financières reçues pour les élections - une organisation plus solide. Le Parti de Gauche s’est en effet assez rapidement vidé d’une bonne partie de ses militants déçus par l’absence de fonctionnement démocratique…

Son départ en solo pour la présidentielle au prétexte d’un refus d’une quelconque primaire qui serait forcément une compromission, est en fait le début d’un projet d’ensemble qui vise à lui donner le leadership incontesté sur la gauche de la gauche, en pensant ainsi réduire le PCF et Ensemble à leur plus simple expression.

Dans une interview à la revue Regards[5], Eric Coquerel explique de manière précise le projet de la France Insoumise : « En 2017, on ne séparera pas présidentielle et législative. C’est la même élection : il faudra un candidat à la présidentielle commun, un programme commun pour les deux scrutins, un label et une étiquette communs et un certain nombre de conditions pour les investitures qu’accordera France Insoumise. Il appartiendra à toutes celles et ceux qui sont engagés dans France Insoumise d’en définir les quelques règles et méthodes. »

Il s’agit donc bien d’un processus d’ensemble, les candidats aux législatives devant être investis par la direction de la France Insoumise c’est-à-dire sous le contrôle absolu de JL Mélenchon et de son premier cercle. Le projet ne s’arrête pas là, il s’agit de s’appuyer sur cette campagne pour créer une nouvelle organisation par adhésion directe individuelle. Puis comme l’indique E. Coquerel : « Plus généralement on verra par la suite qui décide de rejoindre ou pas cette campagne. Bien sûr, plus on est, mieux ça sera. Mais, et chacun le comprendra, ça ne peut conduire à se soumettre aux conditions de ceux qui arriveraient en dernier. »

Dans tout ce processus on ne voit rien qui assure le fonctionnement démocratique de la France Insoumise qui, rappelons le n’admet que des adhésions individuelles. Le mode d’organisation hyper centralisé est en ligne avec le mode de proclamation de sa candidature. L’adhésion à la France Insoumise implique d’abord la soumission.

Les organisations qui veulent adhérer sont donc conduites à se dissoudre dans la France Insoumise puisque n’y sont acceptées que des adhésions individuelles. Avec l’objectif évident de faire éclater les partis notamment Ensemble et surtout le PCF. Toujours dans cette interview, Coquerel déclare : « Il [JLM] a raison : on ne va pas obliger cette partie du PCF à faire campagne contre son gré. On s’en passera. Mais je préfère m’intéresser à d’autres signaux positifs envoyés par des milliers de communistes … et de grandes figures du Parti communiste telle ma camarade Marie-George Buffet. ... On sait le PCF divisé. Mon sentiment malgré tout, c’est qu’on se retrouve déjà ou qu’on va se retrouver, quoi qu’il arrive, avec un très très grand nombre de militants et sympathisants communistes : ceux avec qui nous battons le pavé dans les cortèges contre la loi El Khomri ou la défense des libertés syndicales si malmenées ; celles et ceux, dont beaucoup d’élus des villes des quartiers populaires, qui sont au contact de la réalité sociale du pays, tous ces militant-e-s qui se battent au quotidien et font un boulot remarquable. Je m’en réjouis. Jusqu’où ira ce mouvement dans le PCF ? On verra. ». En somme les vieilles ficelles démagogiques, le vieux coup de la base « saine » qui se bat contre le sommet qui, comme cela est souvent répété par les soutiens de JLM, préfère conserver leurs sièges d’élus avec l’aide des « solfériniens », en somme des « bureaucrates » qui ne pensent qu’à leurs privilèges. CQFD. Rappelons que JLM avait déjà exprimé plus qu’une réticence à s’allier avec le PCF : après l’élection en Espagne il s’était demandé si le recul de Podemos ne découlait pas, peut-être disait-il pour ne pas paraître soutenir cette thèse, de son alliance avec Izquierda Unida. Interrogation qui ne relève pas du hasard. Donc des communistes individuellement oui mais pas le PCF.

Le projet de la France Insoumise ne se limite pas à la constitution d’une nouvelle organisation, s’y ajoute des désaccords politiques qui se révèlent de plus en plus. Il y a des évolutions lourdes mises en avant dans ses orientations actuelles sur la question de la nation, de « l’indépendantisme », du protectionnisme, de l’Europe allemande, du dépassement gauche/droite... Une cohérence qui s’affirme à travers toute une série de notions étrangères au programme de 2012 avec quelques prises de positions révélatrices. Sans oublier que dans l’affaire du burkini, JL Mélenchon n’a pas condamné les arrêtés des maires portant interdiction de ce vêtement ni le soutien que Valls leur a apporté. Les questions identitaires ne s’arrêtent pas là. Alors que précédemment JL Mélenchon se plaignait de l’importance prise par les questions identitaires dans le débat public, ila déclaré que l’intervention de Sarkozy sur nos ancêtres les Gaulois n’était pas nulle prenant ainsi le contrepied d’Alain Juppé et autres commentateurs. Pourquoi venir en soutien à Sarkozy donné par JLM gagnant de la primaire à droite ? Avons-nous une seule référence historique, une identité qui écrase les autres ? C’est absurde. Sans compter qu’une partie des français ont pour ancêtre des esclaves et non des gaulois ou autres.

Détachés coupables ?

Il a accusé les travailleurs détachés de voler le pain des travailleurs qui se trouvent sur place. En réponse à une avalanche de critiques indignées il déclare qu’il y avait des guillemets qui n’ont pas été entendus… Mais il ajoute : « Tous seraient victimes du capitalisme et cela absoudrait en permanence de toutes turpitudes dont ils seraient participants. Ce n’est pas ma manière de voir. À mes yeux, le principe de responsabilité personnelle est engagé en permanence. Personne n’est obligé de faire le métier de bourreau »[6]. En clair ce sont les travailleurs étrangers qui sont responsables de cette situation.

Les réfugiés

Alors que les réfugiés affluaient sur les rives du sud de l’Europe un débat intense divisait les pays européens. Merkel proposait de recevoir un million de réfugiés, proposition évidemment intéressée et motivée par les besoins de main d’œuvre bon marché alors que l’Allemagne enregistre un recul démographique. Sans oublier la mobilisation d’une partie du peuple allemand brandissant des pancartes « Willkommen » d’accueil aux réfugiés alors que d’autres suivaient les positions du parti raciste Afd.

JL Mélenchon a considéré cet engagement de l’Allemagne irresponsable et opportuniste, critiquant vertement Merkel accusée d’encourager l’arrivée de réfugiés. Sa position : s’attaquer aux problèmes géopolitiques pour supprimer les causes de départ plutôt que subir de tels déplacements de populations. Mais quoique l’on pense de la solution préconisée ce n’est pas une réponse au problème immédiat mais un refus de prendre en compte la nécessité pour la France de recevoir une partie des réfugiés ainsi que les autres pays de l’UE. En outre la France n’a-t-elle pas au moins une part de responsabilité dans le départ des réfugiés à travers ses interventions armées ? Raison de plus pour ne pas leur fermer la porte et refuser le droit d’asile.

Le Brexit

JLM a déclaré que la victoire du Brexit exprimait « un vote pour l’union des peuples, pour la paix et pour la coordination sociale »[7] alors que l’UKIP, parti d’extrême-droite, en était le plus ardent propagandiste sur des bases racistes évidentes. Certes des secteurs populaires ont voté en ce sens tout comme on trouve un vote « populaire » avec le FN, de là à en déduire que c’est une orientation de gauche il y a un gouffre que JLM franchit allègrement.

Jeremy Corbin, leader du parti travailliste, s’était opposé au Brexit - contre le racisme anti-immigrés, contre l’Europe actuelle, pour une autre Europe - et dénonçait le référendum comme une manœuvre cynique de la droite. Il déclarait : « Nous voulons former des alliances avec les partis socialistes du reste de l'Europe pour la changer… Vous ne pouvez pas construire un monde meilleur si vous ne vous engagez pas dans ce monde »[8]. Le TUC, confédération syndicale de plus de 6 millions de membres, était aussi opposé au Brexit sur des bases analogues.

Bref JL Mélenchon décide de parler même au nom des britanniques. L’objectif évident étant de préparer le terrain pour la sortie de l’UE qualifiée de « Europe allemande ».

Par ailleurs notons que Jeremy Corbin a pu prendre la tête du Labour parce qu’il a choisi d’y rester plutôt que de laisser la place aux blairistes. Ca n’est pas forcément toujours la bonne solution mais pas forcément la plus mauvaise non plus.

Indépendantisme et nationalisme

La notion d’indépendantisme est reprise sur le site jlm2017 mais elle était introduite avant. En décembre 2015, à l’Hôtel des Invalides s’est tenu un colloque organisé par la Commission Défense du Parti de Gauche en présence d’experts militaires et politologues. Jean-Luc Mélenchon y a présenté ses idées pour un « nouvel indépendantisme français ». Voici ce qui en est dit sur le site du PG : « Cette présentation comme la parution de cette revue sont un évènement politique dont l’importance est inversement proportionnelle à sa médiatisation immédiate. A fortiori dans une période où la Patrie est par bien des aspects en danger. Les partisans de la Révolution citoyenne démontrent ainsi, aux côtés des meilleurs experts militaires et géopolitiques, qu’ils ont compris que l’indépendance militaire est aussi une condition de la reconquête de la souveraineté du peuple. Et qu’il faut s’en donner les moyens humains et industriels, au service de l’ensemble de l’économie et de la société ».[9] La Patrie étant en danger il faut serrer les rangs contre l’ennemi extérieur…

N’est-ce pas ainsi que pourrait s’expliquer le rejet des notions de gauche et de droite qui n’ont plus de sens puisqu’on en est à défendre notre souveraineté ?

La question de la Syrie était soulevée à cette rencontre. Selon le compte rendu, il a été évoqué « la nécessité d’une alliance internationale respectueuse du droit international pour combattre Daesh et ses acolytes en Syrie comme l’a proposé la Russie à l’ONU ». Alignement sur Poutine et pas un mot sur Bachar Al Assad.

Europe allemande

Ces évolutions, en rupture avec le programme l’Humain d’abord, sont en lien avec la germanophobie que l’on constate chez JL Mélenchon : l’UE ce n’est pas l’Europe sous domination du capital, et pas que du capital financier, mais c’est l’Europe allemande. Ce ne serait plus le MEDEF qui serait à la manœuvre, qui profiterait de l’assistanat de l’Etat ? Pourquoi le sortir de la cible pour mettre l’accent sur l’Allemagne ? Quand on ne veut pas parler de « capitalisme » et de lutte de classes on retombe forcément dans des caractérisations nationales pour ne pas dire identitaires.

Dans une interview au journal Le Monde, en réponse à la question « Une sortie de l’UE est-elle une solution à vos yeux ? » il répond : « La solution, c’est de la changer pour répondre à nos besoins : plan A. Mais il faut être capable de la quitter pour pouvoir la changer : plan B. S’il n’y a pas de plan B, le plan A ne fonctionne jamais. Ce qui me distingue de beaucoup d’autres courants de gauche, c’est que dans mon esprit, la nation est un levier de la bataille européenne. La France est forte. Et la situation, absurde : les dogmes économiques et politiques de l’Europe à l’allemande ont tout bloqué. »[10]. Pourquoi dénoncer exclusivement l’Allemagne et ne rien dire du Medef et ses soutiens ? Pour en faire une question essentiellement sinon exclusivement nationale ? La nation est ainsi mise en avant en opposition à ceux qui préconisent l’alliance des forces de gauches dans les pays de l’UE pour en changer le contenu. Au risque que ce cavalier seul mette en opposition les forces de gauche dans les différents pays.

Produire en France

L’intervention de JL Mélenchon aux « Assises du Produire en France », le 9 septembre 2016, rappelle toute une série de points de son programme a un auditoire composé essentiellement de patrons labellisés chefs d’entreprises. Puis au détour d’un de ces rappels il déclare « je vous demanderais le moment venu de vous rendre utile à la patrie ». Avec des appels à l’intérêt général et la persistance à dériver dans des appels au patriotisme, l’invocation répétée de la Patrie.

On retrouve les mêmes thèmes dans son discours à la Fête de l’Humanité dans le stand du Parti de Gauche. Ainsi l’éventuelle victoire à l’élection présidentielle est présentée comme « les français nous auraient confiés la responsabilité de la patrie »[11] ! Avec l’appel adressé aux patrons et aux salariés sur l’air de nous sommes tous dans le même bateau : « Moi je vous réponds à vous les patrons mais aussi à vous les salariés et je vous réponds à tous en partant de l’intérêt général. Il faut que nous arc-boutions nos forces pour faire tourner le système productif français, que nous lui fassions la transition écologique » puis encore « Le capital nous allons le soumettre à la loi de l’intérêt général ».

Revenons à l’aspect économique de Produire en France. Quelqu’un peut-il être contre le fait de produire en France ? On peut en douter. Mais est-ce ainsi que le problème se pose dans la réalité ? Non.

Pour aller vite : La France, comme le Royaume Uni, avait fait de ses colonies une chasse gardée. Le grand capital y pillait les ressources premières et les transformaient dans des usines situées en France. Avec la décolonisation on est rentré dans un processus d’échange inégal : matières premières contre produits manufacturés. Pour les besoins de main d’œuvre la France faisait venir des ouvriers des ex-colonies. Aujourd’hui c’est plutôt le capital, liquide et mobile, qui se déplace à la recherche d’investissements permettant de maintenir ou augmenter le taux de profit.

Vers la fin des années 70, le patronat pensait encore maîtriser entièrement les choses. Une anecdote très significative à mon sens : j’étais à l’époque élu au CE d’une très grande entreprise. Un contrat avait été signé avec la Chine. Des ingénieurs venaient dans les ateliers voir comment le travail se déroulait et prenaient des notes abondantes. Des élus avaient manifesté leurs inquiétudes. La réponse du PDG était : « ne vous faites pas de souci, nous leur avons concédé une licence obsolète ». Est-il besoin de dire que ces temps sont révolus pour nombre de pays de l’ancien « tiers monde ». Aujourd’hui même les dictateurs corrompus mettent en concurrence les entreprises pour en tirer le plus de profit. En Afrique la France n’est plus en situation de « chasse gardée ». Les chinois surtout, mais aussi les japonais et étatsuniens sont dans la place. L’Angola a pris le contrôle de certaines entreprises importantes au Portugal. Les accords commerciaux avec les pays les plus importants économiquement de l’ex tiers monde se concluent souvent avec obligation de transferts de technologies.

Cette digression pour dire que les usines ne sont pas et ne seront plus l’apanage des pays capitalistes très développés. C’est du passé. Reste à voir que la production ne se fasse pas non plus qu’en profitant de la main d’œuvre la moins chère en déplaçant les usines au gré de cette concurrence sociale sauvage. Si l’on veut avoir une coopération équitable et tenir compte des problèmes écologiques, la production doit tendre à se rapprocher des lieux de sa consommation. C’est ce type de coopération qui est à prévoir. La coopération peut très bien aider à l’industrialisation d’autres pays avec des contreparties et des retombées positives pour l’ensemble des parties.

Produire en France n’est donc pas un objectif en soi. Souvenons nous du « Produisons français ». Et qu’en est-il du produire ailleurs, par et dans d’autres pays, qui n’est jamais évoqué ? Le monde a changé et on ne le fera pas revenir en arrière. La mondialisation a fait évoluer certaines réalités. L’interdépendance s’est développée sous l’égide du capital et à son profit. Mais dans d’autres conditions politiques et économiques cette dépendance réciproque pourrait ouvrir la voie à des coopérations d’une autre nature. Les processus historiques créent aussi les potentialités de leur dépassement.

Le « Produire en France » réveille des pulsions nationalistes surtout lorsqu’il s’accompagne d’appels à l’indépendantisme, de dénonciation de « l’Europe allemande », de protectionnisme solidaire etc. Ca fait beaucoup de notions qui ont une cohérence, tirent dans le même sens, bref qui font système.

Cet « indépendantisme » ou nationalisme ne serait-il pas la version new look de ce qu’on appelle souverainisme, terme trop décrié pour être repris ?

 

Quel candidat ? Quel vote ?

Compte tenu de ce qui précède on voit mal le PCF venir renforcer la stratégie de JL Mélenchon tant sur le fond des orientations qu’il développe que sur son projet. Plus il sera fort à la présidentielle et plus il pourra imposer ses conditions. Par ailleurs ses discours souverainistes sont dangereux et nourriront les positions FN au second tour si s’y affronteront un candidat de droite contre l’extrême droite.

Une possibilité serait d’avoir un candidat de rassemblement mais à l’évidence ce rassemblement s’il est possible serait partiel. De plus sur quelle base, quel programme, quelles perspectives ? C’est une solution qui ne peut rester ouverte plus longtemps, le temps passe.

L’autre solution serait une candidature du PCF. Il ne faut pas s’attendre à un score important mais la campagne servira de point d’appui aux législatives. A cette occasion plusieurs profils de candidats sont possibles (André Chassaigne ou un responsable politique d’une autre génération – que je ne connais pas suffisamment quelques noms à titre d’exemple Olivier Dartigolles, Pierre Dharréville, Ian Brossat… - ou encore une personnalité communiste). En prenant en compte évidemment l’importance des médias dans ce genre de campagne. En amorçant une nouvelle dynamique. Et rien n’empêche, comme l’a dit André Chassaigne, de se désister si un candidat commun se dégage sur un programme élaboré en commun.

 

Contribution de Robert Kissous, le 25 septembre 2016



[2] Voir le travail remarquable de Ian Brossat, PCF, adjoint à la Maire de Paris chargé de toutes les questions relatives au logement et à l'hébergement d'urgence

[4] http://www.pcf.fr/81266 allocution de Pierre Laurent, dans la partie intitulée « 4 - La bataille de 2017 »

[11] https://www.youtube.com/watch?v=z3O3B5w-UyE discours à la Fête de l’Humanité, septembre 2016

 

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le 18 octobre 2016

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